Introduction

La qualité de l’air intérieur est de plus en plus reconnue comme un déterminant clé de la santé publique, en particulier dans les climats froids où les foyers s’appuient fortement sur la combustion pour cuisiner et se chauffer. Pourtant, la plupart des politiques et des analyses économiques se concentrent sur la pollution extérieure, tandis que les impacts sanitaires liés à la combustion à l’intérieur des logements sont souvent sous-estimés ou ignorés.

En Nouvelle-Zélande, de nombreux ménages utilisent des poêles à bois, des cuisinières à gaz ou des chauffages à gaz non raccordés — tous émetteurs de particules fines (PM₂.₅) et de dioxyde d’azote (NO₂). L’étude commandée par l’EECA (Energy Efficiency and Conservation Authority) et réalisée par Emission Impossible Ltd (Metcalfe, Kuschel, Wickham & Denne) vise à évaluer les impacts sanitaires et les coûts économiques de ces émissions intérieures.

L’objectif : donner un prix à un problème de santé publique souvent invisible dans les débats politiques.


Méthodologie en bref

  • L’étude repose sur une modélisation et non sur des mesures directes.
  • Les étapes principales :
     1. Revue de littérature pour estimer les émissions supplémentaires de PM₂.₅ et NO₂ liées à chaque appareil.
     2. Utilisation de fonctions exposition–réponse adaptées à la population néo-zélandaise pour estimer les effets sanitaires (mortalité prématurée, hospitalisations, asthme, etc.).
     3. Monétisation des impacts (en dollars néo-zélandais 2025).
     4. Analyses de sensibilité pour tester l’influence des incertitudes (par ex. sur les niveaux réels de pollution intérieure).

Le scénario de référence est celui d’un logement équipé uniquement de cuisson électrique et de pompe à chaleur (aucune combustion intérieure).


Résultats principaux

Coûts sanitaires par ménage (annuels)

L’étude estime le coût sanitaire annuel par ménage lié aux émissions intérieures de chaque appareil. Convertis en euros (≈ 0,494 €/NZD), les résultats sont :

AppareilCoût par ménage (NZD)Coût en €Commentaire
Cuisinière à gaz~ 9 188 NZD~ 4 540 €Pollution liée à la cuisson au gaz
Foyer ouvert (bois, type 1a)~ 53 401 NZD~ 26 400 €Scénario le plus émetteur
Poêle à bois ancien (non conforme NES)~ 7 679 NZD~ 3 800 €Appareils plus polluants et moins efficaces
Poêle à bois conforme NES~ 1 823 NZD~ 900 €Appareils récents, réglementés
Chauffage à gaz non raccordé~ 20 436 NZD~ 10 100 €Émissions directes à l’intérieur

(NES = National Environmental Standard; refers to emission/efficiency standards for wood burners.)

Ainsi, un foyer utilisant un feu de bois ouvert supporte un coût sanitaire estimé à plus de 53 000 NZD (≈ 26 400 €) par an, uniquement à cause de la pollution intérieure.

Impacts à l’échelle nationale

En extrapolant ces chiffres à l’ensemble du parc de logements néo-zélandais :

  • Coût annuel de la pollution intérieure : ~ 5,851 milliards NZD (≈ 2,89 milliards €)
  • Coût annuel de la pollution extérieure : ~ 6,484 milliards NZD (≈ 3,21 milliards €)
  • Total combiné (intérieur + extérieur) : plus de 12 milliards NZD (≈ 5,95 milliards €) par an

En termes de santé publique, cela correspond à :

  • ~ 208 décès prématurés attribuables aux cuisinières à gaz
  • ~ 101 décès prématurés liés aux poêles à bois
  • ~ 57 décès prématurés dus aux chauffages à gaz non raccordés
    • des hospitalisations, journées d’activité restreinte et une prévalence accrue de l’asthme.

Limites et incertitudes

  • Les estimations sont très sensibles aux hypothèses sur les niveaux d’émissions intérieures.
  • Les données disponibles en Nouvelle-Zélande sont limitées (cf étude HAPINZ 3.0), surtout pour le NO₂.
  • Les coûts sont probablement sous-estimés, car certains effets sanitaires ne sont pas pris en compte.
  • Les auteurs appellent à de nouvelles campagnes de mesures dans les logements néo-zélandais pour affiner ces résultats.

Implications pour la politique publique

  1. La pollution de l’air intérieur en lien avec les appareils domestiques est un enjeu de santé publique majeur, souvent ignoré.
  2. Les coûts sont colossaux : près de 6 milliards € par an, rien qu’en Nouvelle-Zélande.
  3. Des choix technologiques peuvent réduire ces impacts :
     - Passer à la cuisson électrique
     - Remplacer les poêles anciens par des modèles plus performants
     - Éliminer les chauffages à gaz non raccordés
     - Améliorer l’entretien et la ventilation des appareils à combustion et globalement la ventilation des logements
  4. Les politiques climatiques et énergétiques (exemple les PCAET) doivent intégrer ces coûts de santé dans leurs analyses coût-bénéfice.

Conclusion

Cette étude rappelle une évidence trop souvent oubliée : ce que nous respirons à l’intérieur de nos maisons a un coût sanitaire et économique énorme. Mieux prendre en compte la pollution intérieure — en particulier liée aux cuisinières à gaz, aux poêles à bois et aux chauffages à gaz non raccordés — permettrait non seulement de protéger la santé publique, mais aussi de justifier économiquement la transition vers des solutions plus propres comme l’électrification du chauffage et de la cuisson.

Etude compète : https://www.eeca.govt.nz/assets/EECA-Resources/Research-papers-guides/EIL-Indoor-Combustion-Study.pdf

HAPINZ – Health and Air Pollution in New Zealand 2016 : https://www.ehinz.ac.nz/projects/hapinz3/

Presse : https://www.eeca.govt.nz/about/news-and-corporate/news/indoor-air-pollution-impacts-of-household-appliances-findings-published/

Photo de KWON JUNHO and Ellienore B. sur Unsplash